Monsieur le Préfet,
Par un courrier du 07
février 2012, votre directeur de cabinet a demandé à toutes les
rédactions de l’île de lui faire connaître « la liste
nominative des journalistes et photographes qui travaillent […] et
ne sont pas titulaires d’une carte de presse. Ceci afin d’établir
une liste des «journalistes connus des services de la préfecture».
Si elle comprend votre
souci d’organisation et de sécurité, notamment lors d’un
incendie de forêt, du passage d'un cyclone, d'une éruption du
volcan ou de la prochaine visite du président de la République et
candidat à l'élection présidentielle, la section océan Indien du
Syndicat national des journalistes (SNJ) se doit de vous rappeler
que la «carte d’identité des journalistes professionnels»
(véritable nom de la carte de presse), délivrée par une commission
créée par la loi du 29 mars 1935, est un document qui atteste du
statut professionnel de son titulaire.
La plupart des
journalistes dépourvus de carte sont des salariés contraints de
travailler dans la presse écrite, audiovisuelle ou en ligne dans des
conditions parfaitement illégales et dans une précarité organisée
par les employeurs : rémunération en honoraires, parfois sous
statut d'auto-entrepreneur (pour rappel après intervention des
syndicats, le ministère du travail a retiré le journalisme de la
liste des professions éligibles au statut d'auto-entrepreneur), en
travail dissimulé non déclaré aux organismes sociaux (comme l'a
déjà montré la condamnation au pénal d'un employeur à la
Réunion), ou sans aucune rémunération notamment lorsque des médias
abusent de la situation des stagiaires en cours d’études.
En établissant cette
liste, le représentant de l'Etat -garant du respect de la loi- que
vous êtes, prend le risque d’encourager les employeurs qui violent
le statut des journalistes, pourtant encadré par le code du travail
(articles L761-1 et suivants) et une convention collective nationale
étendue qui s'impose à eux, et de cautionner ainsi la précarité
dans notre profession.
Nous vous serions donc
reconnaissants d’accorder à cette « carte d’identité du
journaliste professionnel » l’importance qui lui est due, en
demandant aux employeurs de régulariser la situation des
journalistes qu'ils souhaitent voir accrédités auprès de la
préfecture et de se mettre ainsi en règle avec la législation, ce
qui aidera certains confrères à obtenir la carte de presse que
certains employeurs ne veulent surtout pas qu'ils demandent.
Veuillez recevoir,
Monsieur le Préfet, mes salutations les plus cordiales.
Véronique Hummel
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