Journalistes, ne vous laissez pas impressionner!
A La Réunion, de nombreux employeurs profitent d’un contexte d’emploi
particulièrement tendu pour mettre la pression sur leurs salariés, qui
n’osent pas toujours s’opposer, par crainte d’un licenciement. En 2010, une
journaliste d’Antenne Réunion a pourtant contesté son licenciement «pour
faute grave». La cour d’appel de Saint-Denis vient de lui donner raison et condamne la chaîne privée à lui payer 43 126,96 € d’indemnités, dommages et préjudices.
En
février 2010, une journaliste reporter
d’images (JRI) d’Antenne Réunion, en CDI (contrat à durée indéterminée) depuis 4 ans, dont le travail,
l’efficacité et la disponibilité sont unanimement reconnus par ses pairs, est
mise à pied puis licenciée «pour faute grave». Que lui
reproche-t-on? D’avoir, à la suite d’un appel de son rédacteur en
chef après 19 heures (journal télévisé), refusé de couvrir un fait divers.
La journaliste, qui avait terminé sa journée, n’était en effet plus disponible
à l’heure de l’appel. Antenne Réunion argumente que l’«usage dans
l’entreprise veut qu’un journaliste qui est inscrit au planning attende la fin
de la diffusion du journal télévisé, vers 19h30, pour débaucher » ; il
ajoute qu’« en outre en tant que correspondante dans le sud, vous êtes
soumise à une disponibilité particulière par rapport aux autre journalistes
reporters d’images ».
Saisie
par l’intéressée, le conseil de Prud’hommes considère en juin 2011 que le
licenciement n’est pas basé sur une faute grave, mais sur « une
cause réelle et sérieuse». En conséquence il condamne l'employeur à payer 25 410,60 € au titre
d’indemnités, dommages et préjudices.
Les
deux parties font toutefois appel du jugement : la journaliste, qui considère
toujours n’avoir commis aucune faute et que le licenciement n’est donc
aucunement justifié, et Antenne Réunion, qui maintient son argumentaire sur
« l’usage » d’horaires tardifs et sur la « disponibilité
particulière » qui serait associée à la correspondance dans le sud de
l’île.
Peine
perdue: en novembre 2012, comme la journaliste, la cour d’appel de
Saint-Denis considère que le licenciement est « dépourvu de cause
réelle et sérieuse ».
La
cour d’appel de Saint-Denis affirme en effet qu’« il est constant et
non discuté, que l’usage dont se prévaut l’employeur n’a pas été retranscrit
dans un quelconque règlement intérieur ni accord, permettant ainsi de préciser
le volume et les horaires de travail des journalistes. De plus, le contrat de
travail de l’intimée stipulant un horaire mensuel moyen de 151,67 heures, sa
qualité de cadre ne justifiait pas un dépassement de ce volume, au-delà des
dispositions légales ». Par ailleurs, il rappelle que la « défaillance
[d’Antenne Réunion] dans l’organisation des permanences ne peut être
imputée à la journaliste libérée de ses obligations quotidiennes et soumise à
aucune permanence »
La chaîne privée est donc désavouée en appel, et surtout plus lourdement
condamnée : au final, Antenne Réunion doit payer 43 126,96 € en indemnités, dommages et
préjudices.
Le SNJ invite tous les journalistes réunionnais à se rebeller contre les sanctions injustifiées, trop fréquentes dans un métier où la "disponibilité" et la conscience professionnelle sont prétextes à d'innombrables abus.
Le bureau du SNJ 974
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